Texts

“Aimeriez-vous vous faire enlever par des extra-terrestres ? Les machines sont-elles capables de désir ? Comment ressentez-vous l’autorité ? Pour Clémence de Montgolfier et Niki Korth, la conversation est un art. À l’inverse du challenge mondain des salons littéraires, l’enjeu du duo The Big Conversation Space, formé par les deux artistes en 2010, est une mise à disposition des idées, une structure ouverte afin que chaque spectateur devenu interlocuteur, puisse l’alimenter avec sa propre expérience. TBCS développe des espaces collaboratifs dans lequel chacun accepte de partager ses croyances et ses ignorances. Pour cela, des situations propices à la discussion sont créés, prenant les formes d’une chaîne de télé et d’un chat, de jeux, d’installations et d’éditions. Elles sont des prétextes et des outils nourris par une base de connaissances qui augmente au fur et à mesure des projets. Avec The BCC Channel, des émissions en ligne divisées en thématiques telles que Secrets, anonymat et transparence, l’éclectisme des références s’affiche. Dans un même épisode se mêlent vidéos d’artistes, discours de scientifiques, courrier des lecteurs et diverses expérimentations. Par la mise en réseaux de recherches et de personnes, TBCS déconstruit la hiérarchisation des discours, des médias et des pratiques culturelles au profit de la rencontre. Comme l’écrit John Dewey : « les œuvres d’art sont le seul moyen de communication complet et sans voile entre l’homme et l’homme, susceptible de se produire dans un monde de fossés et de murs qui limitent la communauté d’expérience ». Une table de jeux et des chaises sont installées. Vous pouvez prendre place. Peu importe si ce que vous dites est vrai, faux et/ou fictif. L’important, c’est de converser.”

Marie Bechetoille, 2018


“Depuis 2010, Clémence de Montgolfier et Niki Korth érigent la conversation en art, à travers un projet intitulé The big conversation space. Pour elles, l’art n’a pas de message à transmettre, n’a pas vocation à une quelconque efficacité. Loin de toute rentabilité, c’est une pratique fondamentalement gratuite, libre, non autoritaire, un « espace d’errance langagière ». L’oeuvre d’art n’est pas le réceptacle d’un discours préétabli, que le spectateur aurait pour délicate mission de décrypter.

L’artiste n’est pas investi d’une mission civilisatrice, il n’a rien à nous apprendre. Il n’est pas détenteur d’un savoir dont l’oeuvre d’art constituerait le canal de transmission.

Le travail de Clémence de Montgolfier et Niki Korth consiste avant tout à mettre en place des situations de conversation avec tous ceux qui le souhaitent. Ces conversations peuvent avoir lieu dans des espaces d’exposition, sur internet, par téléphone, par courrier… Elles sont retranscrites sur leur site web, dans le cadre de publications, de journaux… Le spectateur devient partie prenante du travail, il est inclus, c’est un sujet actif du dispositif auquel il participe pleinement.

La conversation comme oeuvre d’art ouvre la possibilité d’une parole et d’un type de discours résolument non autoritaires. C’est dans l’échange, dans l’espace qui se crée entre deux ou plusieurs personnes qu’une forme de savoir non hiérarchique peut se mettre en place. Les artistes proposent des sujets de conversations aussi variés que : la démocratie, le féminisme, les super héros… et tout autre thème peut leur être proposé.

Outre les conversations, les deux artistes soumettent des questionnaires dont elles compilent scrupuleusement les réponses ; elles en tirent diagrammes, camemberts et statistiques à la précision redoutable. Elles réalisent également des enquêtes sur commande.

A travers les typologies de l’enquête et du questionnaire, elles appliquent ad absurdum la logique du langage administratif et bureaucratique. L’objectivité affichée de leurs outils d’analyse ne cache pourtant pas leurs limites, et le rendu des données laisse transparaître une part d’artisanat largement assumée.

Dans le cadre de leur résidence à Lindre-Basse, Clémence de Montgolfier et Niki Korth proposent de concevoir un jeu de société, d’éditer un journal avec des retranscriptions de conversations et de mettre en scène une pièce de théâtre à partir d’un scénario écrit récemment. Robot Demos raconte l’histoire d’un robot que divers personnages tentent de s’approprier : une analyste, une scientifique, une journaliste, une activiste, une capitaliste… projettent l’une après l’autre leurs désirs sur ce double machinique…”

Marie Cozette, 2012